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The Revenant

par Jean-Luc Herbulot pour les belles affiches (relire l'interview)


Réalisation : Alejandro González Iñárritu, 2015

The Revenant © Weinstein Cie.
La critique

Les premiers mots qui me viennent à l'esprit quand je lis "Iñárritu" c'est tout de suite : où, quand, comment ? Ce mec m'a filé une gifle en 2003 avec Amours Chiennes qui reste à ce jour et à mes yeux, son plus grand film. Vous savez, le genre de tarte qu'on vous met dans la tête et qui vous fait entendre le bruit du cosmos étoilé. Le genre de tarte qui laisse un acouphène dont seul votre daron à la recette bien enfoui dans ses paumes, en tout cas le mien aurait pu mettre sa recette sur Marmitton. De tartes il est question depuis Amours Chiennes, 21grammes, Babel, Biutiful et de daron il est également question depuis Biutiful précisément, date à laquelle le réalisateur a perdu son père. C'est LE tournant dans les thématiques et donc le traitement des films du Monsieur, tout comme David Fincher avec Benjamin Button. Ayant moi-même perdu mon unité paternelle l'année de la sortie du film de Fincher, son film, injustement mais "prévisiblement" maltraité par la critique et le public, ne parlait que de ça et m'a transpercé comme une lance. Ce film comme celui de Iñárritu ont une résonnance toute particulière pour moi de par leur nature "métafilmique" d'objet cathartique pour leur auteur. J'ai reçu Benjamin Button comme un uppercut dans le ventre tout comme Biutiful, comme des messages télépathiques du : "moi aussi je suis passé par là et je vais en faire un film que très peu vont saisir mais à défaut vont "ressentir"". Et ma digression ici n'est point personnelle mais bien utile pour comprendre The Revenant et ses racines. Biutiful est le film du tournant pour Iñárritu, pas encore formellement mais en tout cas thématiquement, Est-ce que sa violente séparation avec son partenaire d'écriture de toujours, Guillermo Arriaga, sera la cause ou la conséquence de ce tournant ? probablement un peu des deux, mais cela aura un impact majeur sur le type d'histoire et leur construction, dans le style Iñárritu. Envoûté par les films plein de SFX et de puissance viscérale nouvelle de ses associés Del Toro et Cuaron (les plans séquences de Children of Men et de Gravity), Iñárritu croque la pomme avec Birdman en privilégiant le visuel et la forme au fond... De prime abord! J'ai volontairement mis Birdman de côté. Initialement film de l'entre-deux fait pour patienter en attendant de tourner The Revenant (DiCaprio s'en fut allé tout déchirer sur Le loup de Wall Street à ce moment), Birdman va bousculer pas mal de choses pour Iñárritu. Film de l'entre deux, cela se sent, cela se voit et malheureusement (pour ma part en tout cas), la toute puissance humaine d'Iñárritu s'en retrouve diminuée. Après Biutiful, Birdman parle encore une fois du père, mais aussi d'égo et de technique. Le père absent et égoïste, l'ego blessé de l'artiste qui malgré l'amour propre ne peut se défaire des chaînes qui le relie à ses éternels némésis et alliés : la critique et l'interprète. La technique autant pour l'acteur/metteur en scène qu'est Keaton, mais aussi la technique filmique. Birdman est sans doute un des films les plus personnels et égoïste de Iñárritu, en ce sens que l'auteur, abandonne le caractère humain universel qui caractérisait ses sujets pour parler directement de son égo et ses craintes... Bombant le torse comme pour dire : "Vos films de supers héros je m'en bas les reins, je peux faire mieux, moi aussi je peux faire des explosions, moi aussi je peux faire du plan séquence, moi aussi je peux créer un héros, mais à la différence que MOI je sais le faire avec de l'intellect' et des sujets moins gnan gnan". Birdman c'est un cri de colère et d'ego sous forme d'exercice filmique qui a fait jouir Hollywood mais qui n'est clairement pas un cri du cœur et de l'âme comme les autres films de sir Alejandro. Birdman est un test grandeur nature de ce que monsieur Alejandro utilisera sur The Revenant : la courte focale, le plan séquence, les effets spéciaux. Pour comprendre pleinement The RevenantT il faut donc comprendre et connaître tout ça, savoir pourquoi il y a eu Biutiful et Birdman pour avoir The Revenant. Ce dont Iñárritu ne s'attendait peut-être pas c'était de gagner l'Oscar du Meilleur Film et du Meilleur Réalisateur pour cet hybride qu'est l'homme-oiseau. Un formidable doigt d'honneur fait contre Hollywood et son trop plein de monsieurs en collant et en armure, mais aussi un formidable doigt d'honneur en retour fait à Iñárritu par Hollywood en lui refilant la statuette pour un film qui au final est un peu hors filmo. Un peu comme l'Oscar remis à Scorsese pour The Departed. Mais cet Oscar va l'aider et lui sauver la vie de malade pour mener à bien et surtout finir son revenant l'année d'après. Vous voilà éduqués et renseignés ! Maintenant parlons du monstre ! OUI! The Revenant EST la bête annoncée dans sa bande annonce et dans tous les festivals où il rafle tous les prix. "Chivo", aka Emmanuel Lubezki, réussi à faire plier la nature sous les coups de son Alexa, de ses plans séquences de fous furieux et son presque fish eye qu'il ne lâche plus depuis ses derniers films avec Terrence Malick. Car c'est bien de nature dont il est question ici (oui et aussi de paternité, tu vois c'était bien utile de lire les 1000 mots plus haut). The Revenant c'est la bataille entre l'homme et la nature, l'homme et l'homme, la nature contre la nature, le filmmaker etson film, le film et la production, la production et hollywood. C'est un film de guerre morale viscéral sous forme de contemplation et de "survival". Iñárritu convoque les meilleurs "derrière et devant" cam' pour rendre un vibrant hommage à Tarkovski, aux indigènes, au cinéma froid et sans concession des années 70. C'est l'anti 8 salopards, l'anti exploitation par les thèmes du cinéma d'exploitation via le film de vengeance, genre surexploité dans cette période. Pas tellement envie de vous parler du film en tant que tel, tant l'expérience se vit plus qu'elle ne se raconte. On notera un cast parfait, de DiCaprio qui comme d'hab' donne tout, jusqu'à bouffer un vrai foie, se peler les couilles dans un lac glacé, crapahuter sous les mamelles d'une maman oursonne, se planquer dans le cul d'un cheval, défier les plus grands hipsters, Sikh et djihadistes de la planète terre avec une be-bar de compet'. La photo, le montage destructuré, la musique, l'atmosphère, les bastons, les sous thèmes, l'hommage à Herzog, Tarkovski, à la folie d'un cinéma aujourd'hui perdu, tout concorde pour nous ramener à une magie aujourd'hui presque perdue d'un cinéma qui avait autrefois les couilles d'affronter la nature pour la faire plier à son bon vouloir. Un film avec de la profondeur de champ, d'esprit, et d'âme, un film en vrai 3D. Iñárritu réussit à me réconcilier un tant soi peu avec son cinéma que j'avais boudé depuis Birdman. Iñárritu est grand, Iñárritu est humain et vous devriez regarder tous ses films comme ses pubs !


L'affiche

Relire l'analyse de l'affiche ici

Je ne mentirai pas en disant que l'affiche de The Revenant est sans doute pour moi le seul point noir de tout cet objet filmique. La tête de DiCaprio en gros sur l'affiche avec en surimpression la nature semble nous vendre un homme en pleine possession de ses moyens et de sa puissance sur son environnement, là où le film parle du tout contraire. Donc une affiche un peu hors sujet à mon sens, destiné surtout à vendre le casting.