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Steven Seagal: Kingpin of aïkido

Article disponible en anglais ici


En 2016, notre seigneur et maître à tous Steven Seagal a enchaîné pas moins de onze films, dont une annonce fracassante: la suite du cultissime "Nico" paru en 1988. Bientôt trente ans de carrière pour le mastodonte du Michigan. Son style unique l'a propulsé au rang de star immortelle aux côtés de Stallone, Schwarzenegger, Van Damme et autre Bruce Lee. Maître "Shihan" aïkido 7ème dan, ceinture noire de karaté, naturalisé serbe et portant le kimono russe, Steven a eu plusieurs vies et dans ce dossier indispensable vous allez découvrir lesquelles.


Steven Seagal © steven-seagal.net
1960 – 1980 : le disciple

Né le 10 avril 1952 à Lansing dans l'état du Michigan, Steven Frederic Seagal est issu d'une classe moyenne très éloignée du milieu cinéma. Sa maman est technicienne médicale, son papa prof de maths au lycée et ses grands-parents immigrés juifs de Russie. Dès sept ans, le jeune Steven se prend de passion pour les arts martiaux et suit les entraînements du célèbre Fumio Demura (coach sur Karaté Kid, Mortal Kombat et Ninja) avec qui il obtiendra une ceinture noire. De ses aveux mêmes : « je me suis senti attiré par l'Asie en raison des origines mongoles de mon père ». Il déménage bientôt à Orange County en Californie et se spécialise dans l'aïkido grâce aux Maîtres « Sensei » Harry Ishisaka et Koichi Tohei. En 1974 il reçoit sa première dan et s'envole directement pour le Japon, à Osaka, afin d'y perfectionner son art auprès du Grand Maître « O'Sensei » Morihei Ueshiba. C'est un tournant. Sur place il y rencontre Miyako Fujitani qui devient sa femme et lui donne deux enfants. Il étudie le bouddhisme, la calligraphie, l'acupuncture, les herbes médicinales et le courant zen. Puis il apprend le japonais, s'enferme et travaille dur. Il obtient au bout de plusieurs années sa septième dan et devient à son tour un « Sensei »: le Maître Shigemichi Take. Dans la foulée il ouvre son propre dojo à Osaka, le bien nommé « Tenshin Aïkido Dojo » qui appartient aujourd'hui à sa belle-famille japonaise. Il devient ainsi le premier étranger à posséder et enseigner l'aïkido sur ses terres d'origines. Une prouesse quand on connaît la mentalité nippone. C'est aussi à cette époque que des rumeurs prétendent qu'il aurait été approché par la CIA et engagé comme garde du corps. Toujours est il qu'à son retour au pays en 1982, à Los Angeles, il ouvre le dojo « Ten Shin » où il devient le personnal trainer de riches clients locaux, à qui il enseigne sa discipline basée sur l'auto-défense et la retenue. Son talent et sa figure énigmatique sont très vite remarqués par le cinéma. Il est d'abord engagé comme cascadeur et coordinateur des combats sur le James Bond "Never Say Never Again" (Jamais plus jamais, Irvin Kershner, 1983) mais c'est surtout Michael Ovitz, ex-judoka et directeur de Creative Artists Agency qui produira plus tard le Gangs of New York de Martin Scorsese, qui va lui mettre le pied à l'étrier. Impressionné par l'imposante stature de Seagal (1m93) et son physique de bronze, Ovitz voit en lui un diamant brut. Il lui propose aussitôt un contrat professionnel car les films d'actions, en cette époque bénie du début 90, sont en plein essor.

1980 – 1995 : flingues & aïkido

Avec son solide casting articulé autour de Pam Grier, Sharon Stone et Henry Silva, le film d'Andrew Davis Above The Law (« Nico » en français) sort en 1988. Désormais il faudra compter avec un jeune athlète sorti de nulle part. Tout est nouveau : la manière dont on tient les flingues, les combats, le flic intègre, le décor urbain, les costumes... bref le public est conquis, la presse aussi : presque vingt millions de recettes au Box Office américain. Logiquement les succès s'enchaînent et boostent les ventes de VHS, le chiffre d'affaire des clubs d'aïkido et le compte en banque de la Warner : Hard to Kill (Echec et mort, Bruce Malmuth, 1990), Marked for Death (Désigné pour mourir, Dwight H. Little, 1990), Out for Justice (Justice sauvage, John Flynn, 1991) et le très efficace Under Siege (piège en haute mer, Andrew Davis, 1992). Steven s'impose avec sa gueule de monolithe comme l'empereur de la jaquette, la poule aux œufs d'or des frères Warner, le successeur du grand Chuck Norris lui-même. Tous les gamins à la récré rejouent les meilleures scènes et se balancent les répliques : « T'as du sang là ! - Oui mais c'est pas le mien » ou « T'as touché à ma famille ? Alors tiens ! » Pour comprendre ce succès il faut plonger au cœur de l'art martial de Seagal. Contrairement à Bruce Lee, Chuck Norris ou Jean-Claude Van Damme, plus offensifs et percutants, l'aïkido utilise l'inertie de son adversaire et son poids pour l'immobiliser, voire lui déboiter quelques membres au passage. Le jeu d'acteur aussi est différent. Steven Seagal a le look sicilien : teint mat et cheveux noirs plaqués en arrière. Physiquement longiligne, il s'exprime peu, incarne des flics quasi-muets ou d'anciens des forces spéciales introvertis mais redoutables quand la situation se gâte. « Le géant » termine le milieu des années 90 en pleine bourre avec deux grosses séries B de vidéo club qu'il réalise et co-produit en personne : On Deadly Ground (Terrain miné, 1994) et la suite d'Under Siege : Under Siege 2 : Dark Territory (Piège à grande vitesse, Geoff Murphy, 1995), avec toujours un casting en béton, des bras cassés et des répliques qui fusent : « garde cette porte comme le pucelage de ta sœur ! », « ton père est le seul à me foutre les boules » ou bien l'admirable « c'est le genre à boire un litre d'essence pour venir pisser sur ton feu de camp ». C'est surprenant, mais son succès lui permet d'exprimer quelques convictions personnelles dont on reparlera plus tard.

1995 – 2010 : les années télé

Avec Executive Decision (Ultime décision, Stuart Baird, 1996), Steven n'est plus l'invincible policier ou l'increvable vétéran de la CIA. Il meurt dans le film pour laisser la place au viril Kurt Russell. Un signe avant-coureur ? En tous cas à partir de 1996, le déclin s'amorce. Steven se prend des volées de bois vert par la critique qui lui reproche de se perdre dans son propre style et d'ennuyer le public avec la même recette. La réaction est étrange : il verse dans un trip de films d'action-humano-écolo avec Fire Down Below (Menace toxique, Felix Enriquez Alcalá, 1997) et The Patriot (Piège à haut risque, Dean Semler, 1998) sans succès certes mais en accord avec sa philosophie de vie. Il revient alors à ses premiers amours avec le flic incorruptible et dur à cuire dans Half Past Dead (Mission Alcatraz, Don Michael Paul, 2002), Ticker (Explosion imminente, Albert Pyun, 2001) et Exit Wounds (Hors limites, Andrejz Bartowiak, 2001). Les mouvements sont plus lents, Steve prend du poids mais son noyau de fans continue de le soutenir envers et contre tout. Du soutien il en aura besoin à partir de 2003 où il enchaîne les téléfilms à destination de la TNT chez nous et du petit écran aux states. Ses productions sont un véritable remède contre l'insomnie et cartonnent dans les maisons de retraite. Pas moins de seize DVD aux jaquettes en forme d'hommage à Publisher. Mais pire, Steven, bouffi à la cortisone et les yeux congestionnés, grimace à chaque prise et semble avoir du mal à lever les pattes. Lui qui nous avait habitué à casser des bras sur un pas de côté, nous casse tendrement les pieds avec sa tronche de videur du Macumba. Heureusement à Hollywood, il y a une vie après la mort. En 2010 il rebondit dans le show de télé-réalité Lawman où il s'incarne lui-même en policier volontaire (il l'est réellement dans sa commune de Jefferson Parish en Louisianne). En 2011 il crée sa propre série télé : True Justice dans laquelle il interprète le rôle principal. Mais c'est Robert Rodriguez qui vient à sa rescousse. Comme son pote Tarantino avec Travolta, Pam Grier ou Robert Foster, c'est au tour de Steven Seagal d'être repêché grâce au rôle de Torrez dans Machete (Robert Rodriguez, 2010). Le sursaut est là, mais cinématographiquement, Steve est toujours en sursis.

2010 - 2016 : guitare, bouddhisme et Poutine

Comme la plupart des acteurs bankable Steven prépare une carrière « hors-caméra ». Il décline même l'offre de Stallone qui insiste pour l'intégrer au casting d'Expendables. A l'instar d'un Travolta ou d'un Daren Aronofsky, Steven aime faire passer des idées personnelles dans ses films. Il pratique la méditation plusieurs fois par jour, accomplit des pèlerinages au Népal et s'entoure de professeurs bouddhistes, dont sa Sainteté Penor Rinpoché, maître de l'école tibétaine Nyingmapa. L'écologie, le spirituel et le détachement ont donc une part importante dans ses films, car contrairement aux autres stars d'arts martiaux, il n'aime pas jouer les « comiques de service », il intériorise au maximum pour « utiliser son art au plus haut niveau ». Toujours en quête de spiritualité, il parcourt la planète à la recherche de ses origines. Lors d'une tournée en Asie, il se livre à de nombreuses démonstrations d'aïkido et intègre l'équipe nationale russe au tournoi de Saratov. Au passage, il tape la causette avec Vlad l'empaleur, lui-même Maître Judoka 8éme dan et spécialiste de Sambo, la lutte traditionnelle russe. Début 2016, il obtient la nationalité serbe et ouvre un dojo à Belgrade. Pour le Nouvel an il monte sur scène et pousse la chansonnette dans un concert à ciel ouvert. Eh oui, le monsieur aime le Blues et le Reggae. On se rappelle tous le générique de fin signé Jimmy Cliff sur Désigné pour mourir, les deux hommes sont d'ailleurs amis et Steven possède une maison secondaire en Jamaïque. Alors le « Maître » deviendrait-il humaniste avec l'âge ? La plupart des recettes de ses albums et concerts sont reversées à des œuvres de charité pour les enfants malades. Rien de plus normal pour ce père de famille nombreuse. Marié quatre fois, divorcé trois fois, papa de sept enfants, grand collectionneur d'armes à feu, de sabres japonais et de guitares, Steven se consacre aujourd'hui à sa grande famille et à ses concerts du côté des falaises du Grand Canyon. Il semble de plus en plus détaché du milieu cinéma. Pourtant, aujourd'hui âgé de 64 ans, Steven-la-bedaine vient d'annoncer la suite de Nico : Above the Law 2... Alors ? Direct en DVD ou salle obscure ? Mais par pitié Steve, pas la TNT !

2016 : et après ?

Dans le fond ce qui nous manque le plus ce sont ces soirées passées entre gosses à matter les clef de bras au ralenti, à choisir les cassettes grâce à leur jaquette et se refiler les dialogues dans les vestiaires du dojo. On tapissait les murs du garage et de la chambre avec les affiches de Justice Sauvage. Le temps qui passe n'a aucune importance pour les bouddhistes puisqu'ils croient en la réincarnation. Alors Steven, à quand un retour vers 1990 ?