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Mathieu Weschler : un français à Hong Kong



Relire notre dossier spécial Shaw Brothers ici

Portrait de Mathieu WeschlerSalut Mathieu, raconte-nous rapidement ton parcours, de tes premiers courts-métrages à la rencontre avec ton producteur. Salut, j'ai rencontré Seydina, le producteur de Borderland, sur mon premier court métrage parisien en 2006 qui s'appelait Black Shadow. Il s'occupait de régler des cascades. A la suite de ce projet, on s'est lancé sur Timing, une fausse bande-annonce destinée à vendre un long puis on est venu au long-métrage avec Borderland, dont la genèse remonte maintenant à 2011, le tournage à 2012, et la fin de la post-prod en 2013. Raconte-nous un peu la génèse de The Borderland Borderland s'appelait "Accès privé", et devait se tourner en France. Mais nos financements étaient limités pour tourner un thriller ambitieux sans rogner sur tous les aspects. Le producteur, Seydina, avait un contact pro à Hong Kong qui lui a parlé d'un studio chinois situé près de Canton, donc nous avons décidé de tourner le film là bas, les méchants qui étaient français (des gangsters) sont devenus... nord coréens ! Finalement, être dans le pays du kung-fu avec la folie de la ville de Hong Kong, c'était un rêve qui prenait forme. Tu as dirigé des acteurs confirmés comme Seydina Baldé (Danny the Dog, Casino Royale , Fatal Bazooka) et Richard Sammel (Nid de Guêpes, OSS 117, Inglorious Basterds), pas trop dur pour un réalisateur dont c'est le premier long métrage ? Ce qui est dur, c'est quand parfois on a pas le même point de vue sur comment le personnage doit se comporter dans une scène, il y'a du débat dès le scénario, puis pendant le tournage et même encore au montage...sinon, globalement, ça c'est bien passé, que ce soit avec Seydina, Richard ou les acteurs castés localement, une bonne expérience, des gens qui deviennent des amis, s'il y a eu des tensions, on les a toujours évacuées rapidement. Quand à Richard, c'est un acteur simple, efficace et pro. Je regrette qu'on ait pas eu plus de temps de tournage, mais il fait le job, il est présent, il reste sur le plateau, il est à l'écoute, et quand il propose des choses, c'est toujours bien. Un moment dans le film, il y a une scène avec deux combats simultanés sur deux étages. Raconte-nous ta manière de filmer, comment tu procèdes. Il y avait une grue de 14m louée une seule journée, pas de budget pour plus. On a construit un décor surélevé dont le plancher servait à la fois pour le rez-de-chaussée et pour l'étage. Les murs mobiles permettaient de laisser passer le bras de caméra, et la hauteur du décor, d'assurer les transitions, qui furent ensuite recrées en numérique. C'est un lego : l'assemblage de plusieurs plans, trois demi cercles, six quarts de cercle, et un dernier demi-cercle qui forment trois tours. Regardez le film vous comprendrez ! Je salue d'ailleurs les équipes super bien coordonnées, les acteurs qui ont dû jouer en écoutant des numéros criées qui correspondaient à des actions à jouer, les techniciens, et même la post-prod, tant pour les transitions réalisées par l'équipe de SQUID, que les balles, impacts et rayons de lumières créés entièrement par HOPI. The Borderland Un moment, Seydina Baldé affronte plusieurs adversaires dans un décor urbain très proche des jeux "Beat'em all" des années 90, type Street of Rage. Serais-tu nostalgique de cette période ? C'est au début du film, une ambiance de film année 80 effectivement, mais oui il y a du Street of Rage, du Blade Runner, du Black Rain, Alien, tout Ridley Scott (rires), des vieilles affiches collées, des néons, de la fumée, du jaunâtre, de la castagne, oui, c'est un mélange de beaucoup d'influences, comme le film, avec le orange, le bleu, les ventilateurs, je trouve que la lumière est vraiment belle, le chef-op Vincent Vieillard-Baron a parfaitement collé à l'esprit, on a pas cherché à reproduire une lumière naturelle, au contraire... Des projos qui balancent des lumières bleues derrière d'énorme pales de ventilation, ça n'existe pas mais c'est beau, ça crée une ambiance, on est dans un film, dans une fiction... J'adore la lumière surnaturelle... Ensuite, le côté année 80 c'est aussi un story-telling qui prend son temps, c'est ce que j'ai essayé de faire dans la première partie, avec une longue exposition, un côté « aventure »... L'expérience d'un premier long est inoubliable pour n'importe quel réalisateur, d'autant plus que tu l'as tourné loin de la France, à Hong Kong. Qu'en retiens-tu ? Expérience aussi dure que géniale, on devait tourner beaucoup en peu de temps mais on a tout fini, on n’avait pas le choix de toute façon (rires)... je rêve juste d'une chose, revenir y faire un film. En chine c'est plus rock and roll : une tempête tropicale a détruit le décor de la rue « Street of rage », on a plusieurs fois des problèmes de matériel/bois/construction réduisant les temps de tournage ou obligeant à couper des scènes, des problèmes de prise de son (le film est quand même post-synchronisé à 90 %...) etc. Rajoute la chaleur humide étouffante, les moustiques, le manque de sommeil, mais les gens étaient à fond, donc au final tu oublies et tu avances avec eux ! Le film n'est malheureusement pas distribué en France, pourquoi ? Trop de films qui sortent ? Trop petit ? Pas d'acteurs « bankable » ? Je rejoins le problème des affiches : qui va-t-on mettre dessus ? Une affiche graphique aurait-elle été vendeuse ? Trop petit film sans stars, à la croisée de plusieurs thèmes qui peut aussi être un frein, quand on ne sait pas comment vendre un film qui n'est pas que de l'action, mais du thriller, de la comédie, de l'aventure et un poil d'horreur. J'ai pêché par ambition, sûrement, l'envie de vouloir trop en faire trop en donner dans son premier film c'était peut-être une erreur, mais bon, faut faire son premier film comme si c'était son dernier... J'en suis satisfait à 80/85%. Avec le boulot accompli et la qualité, quand même, il y a des purges qui sortent sur 300 écrans. Nous on méritait un petit panel de salle. Le film n'a pas à rougir de ce côté-là, ça pète en salle, on avait une équipe de post-prod du tonnerre et les rares gens qui ont eu la chance de le voir dans ces conditions optimales le diront. On a plusieurs pistes vidéos mais là aussi c'est compliqué... En France, les films d'action sont la propriété presque exclusive d'Europa Corp.(ou assimilés). C'est quasiment un monopole. Tu as un avis là-dessus ? C'est un monopole parce que personne d'autre ne veut en faire plus. En France, si tu dis : « Je vais faire un film mais ça ne sera pas une comédie, ni un feel-good movie, ni un drame social ! » alors déjà tu perds beaucoup d'attention. L'action ? On te dira : « Pourquoi en faire, les ricains la font mieux, l'horreur ? Idem »etc... Un film d'action français part avec un malus de 5 points sur sa note sur 20 quand il sort en salle, parce qu'il est français. Après, niveau qualité, c'est pas toujours ça aussi... Je comprends parfois le public qui n'a pas envie de se déplacer. Il y a des combattants de fou en France, on est le pays du Parkour, on a des histoires passionnantes, des légendes, des paysages, mais il manque une prise de risque réelle. Europa Corp, je ne suis pas un grand fan des dernières productions, mais de temps en temps, il y a des perles comme Le Baiser du Dragon, ou même, Danny the Dog, le premier Taken aussi, et même Banlieue 13 avait des séquences bien filmées... Besson aurait pu se barrer 1000 fois mais il est resté en France, il fait travailler des gens, rapporte de l'argent ici, on ne peut pas le blâmer. Mais maintenant, avec la puissance qu'il a, il pourrait aller au-delà de la simple recette qui marche... Où et comment peut-on voir ton film à l'heure actuelle, et dans quels pays est-il distribué ? USA, Canada, Angleterre, et Japon depuis le 9 janvier 2015. Du DVD, du Digital, du zone 1, du zone 2 et un trois titres : Covert Operation, The Borderland et Redo Saibaba. Peux-tu nous donner ton avis brièvement sur le cinéma français actuel, qu'il s'agisse de film d'action ou autre ? Les trois derniers films français que j'ai vu étaient des comédies : une mollassonne mais une surprise niveau cadre/lumière : Supercondriaque, un film moins flemmard techniquement que le suivant, Des Nouvelles du Bon Dieu, et une bonne surprise : Les Saveurs du Palais. L'explosion d'Internet a considérablement bouleversé la production audiovisuelle. Des séries entières sont mêmes diffusées uniquement sur leur site et connaissent un vrai succès. Quels sont les avantages et les inconvénients pour ton métier ? Une grosse partie de la création artistique s'est déportée sur les séries... les plus grosses claques finalement, en viennent, les plus grosses prises de risque aussi... Fargo, True Detective, Game of Thrones, House of Cards, Eastbound and Down, The Shield, Les Sopranos, The Wire etc... trop de séries à citer ! L'inconvénient pour nous, c'était le téléchargement illégal, là encore, si les 200 000 personnes qui nous ont téléchargé avaient loué ou acheté le film, ça serait une autre histoire... je peux pas leur jeter la pierre, les séries je fais comme tout le monde... maintenant, je comprends aussi le besoin d'accès à la culture, des gens n'ont pas l'argent pour aller au cinéma + achat de Blu Ray + loc VOD + musique + livres etc... ça fait un budget... pour cela j'espère que le formules du type NETFLIX vont se développer car le prix est beaucoup plus accessible. La loi française en restreint la primeur du contenu, mais c'est aussi cette loi qui protège le cinéma français alors comment critiquer ? Les réalisateurs ont aussi des réalisateurs cultes qui les ont marqués à vie. Est-ce ton cas ? Oui mais j'en ai tellement, parfois un film est culte juste pour une séquence absolument folle. Mais je pense à Takeshi Kitano avec Sonatine que j'adore, pour le japon, la poésie, l'humour, le jeu, l'ambiance unique yakuza/okinawa... La musique, j'adore aussi Hard Boiled de John Woo, le plus grand film d'action jamais fait, c'est tellement classe et super bien filmé...j'ai dû le voir 300 fois. J'adore aussi Le Cinquième Elément et Léon, pour le sens du découpage et du montage, je repense à l'assaut du SWAT dans Léon, ou la scène de l'opéra dans Le Cinquième Elément, j'adore le montage alterné et le rythme qui en découle. J'adore aussi Heat de Michael Mann, Starship Troopers, Une journée en Enfer, etc... Ton ou tes acteur(s) ou actrice(s) culte(s) ? Actuellement, j'adore Tom Cruise car je trouve qu'il fait de bons choix, je trouve que ses films, même les moins bons, ne sont jamais des navets s'il est impliqué dedans, il contrôle sûrement beaucoup mais il y a de la qualité : Mission Impossible 4, La Guerre des Mondes, Minority Report, et Edge of Tomorrow sont de très bons films. Ensuite, Jake Gyllenhaal, Joel Kinnaman, j'aime bien cette génération, et puis tous les acteurs américains classiques : Pacino, De Niro, puis Bruce Willis et cie même si les films de la génération Expendables sont de plus en plus décevants. Y a-t-il une affiche de film qui te fait rêver en particulier ? Je n'en vois pas actuellement, mais par le passé, celles de Star Wars c'est sûr... Blade Runner, Alien, les déclinaisons autour de Dark Knight étaient sympas, j'aime aussi les affiches qui présentent les personnages de plein pied avec juste leurs prénoms... Aujourd'hui c'est décevant, quand on voit la tête des comédiens sur 85 % de l'affiche. J'adore les affiches minimalistes qu'on peut trouver actuellement, réalisées par des fans, et souvent plus intéressantes graphiquement ! Ta dernière « claque » au cinéma remonte à quand ? Gravity que j'ai vu 3 fois au cinéma, mais j'ai aussi adoré Interstellar récemment, Quand Vient la Nuit avec Tom Hardy... Il y a eu aussi I saw the Devil, de Kim Ji Woon. Et en série, Fargo, et en retard, l'anime Death Note.