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Studio SGDB


Aujourd’hui les belles affiches font la lumière sur une profession de l’ombre : le graphiste. Indispensable dans la communication sous toutes ses formes, ce métier souffre pourtant d’un certain manque de reconnaissance du grand public et ne reçoit pas toujours l’attention qu’il mérite. En effet, sans affiches le cinéma semblerait aussi vide qu’une poissonnerie le lundi matin. Edouard Chastenet est directeur artistique au studio SGDB. Vous en saurez donc un peu plus sur le métier qui se cache derrière les murs de votre cinéma.


Edouard Chastenet : créateur d'affiches

Le designer de SGDB Edouard Chastenet

Bonjour Edouard, merci de nous accorder cet entretien. Pourriez-vous présenter rapidement votre parcours et ce qui vous a donné envie de travailler dans la communication visuelle ? Bonjour, tout d’abord merci pour cette interview. J’ai fait l’école d’art Penninghenn à Paris. J'ai pu y apprendre les fondamentaux de la publicité et de la direction artistique. Une fois un de mes profs m’a montré son book et il se trouve qu’il travaillait dans l’affiche de film. Cela a été une révélation pour moi, je me suis dis : " C'est ça que je veux faire ! " Créer de belles images avec un impact fort servant au mieux un film et surtout donner au gens l’envie d’aller voir le film en question ! Après de nombreux stages dans différentes agences de publicité je me suis mis à mon propre compte. Au quotidien sur quels logiciels travaillez-vous et lequel ou lesquels a ou ont votre préférence ? Photoshop, Illustrator et Indesign avec une grosse préférence pour Photoshop bien sûr ! Il me semble que vous travaillez au sein d’un studio avec d’autres collaborateurs. Quels sont les corps de métier représentés et comment répartissez-vous les tâches ? Oui en effet nous sommes une équipe de 4 indépendants, une sorte de collectif que nous avons baptisé "SGDB". Il y a Gilles, un photographe, le meilleur de Paris (rires), Timothée, un artiste digital specialisé dans la 3D et Nathalie specialisée dans le marketing et agent d’artiste également. Nous avons chacun nos propres clients mais cela nous arrive de travailler tous ensemble sur de gros projets pub en réunissant nos compétences respectives, ce qui nous rend plus fort. Ce n’est peut-être qu’une impression mais le métier d’infographiste, pourtant indispensable dans beaucoup de secteurs, ne semble pas reconnu à sa juste valeur. On parle plus volontiers d’un annonceur et de sa campagne, d’un réalisateur et de son film, de la "magie d’un effet spécial" ou la "beauté" d’une retouche mais beaucoup moins de l’infographiste et son quotidien. C’est votre avis également ? Non je ne pense pas. C’est normal de ne pas être "starifié" sans pour autant être oublié. Je pense que c’est nécessaire de signer son affiche, je trouve cela important que les gens avec qui l’on travaille parlent de vous et vous renvoient l’ascenceur si des efforts ont été fait. Le cinéma est un petit monde où il est important de se serrer les coudes afin que la magie d’un film puisse voir le jour. La satisfaction que j’ai sur une affiche c’est de voir les gens avec qui je travaille contents, revenir vers moi pour de nouveaux projets, et communiquer sur mon travail. Mais aussi la satisfaction de me dire que j’ai fait du bon boulot. Après mon travail n’a pas plus de valeur que celui d’un technicien s’occupant des lumières, que d’un perchiste, ou du réalisateur même. C’est différent c’est tout. Et c’est l’ensemble du savoir-faire de chacun participant au film qui est important. Le but final reste que le film vive. Pourriez-vous décrire le processus de conception d’une affiche ? Du simple projet client au tirage chez l’imprimeur. En ce qui me concerne je préfère dans un premier temps, rencontrer les gens avec qui je travaille. Parler avec eux de leur projet et comprendre ce qu’ils veulent, les conseiller. Je ne travaille pas pour les gens mais avec les gens ce qui est différent. Une fois cela fait, je reçois un panel d’images du tournage ainsi que des extraits vidéos ou une vidéo non étalonnée. Il arrive parfois de devoir refaire un shooting photo si besoin est. Je commence ensuite la phase la plus difficile : la recherche ! Composition de l’affiche qui doit être mise en valeur en fonction du film, pourquoi etc. avec beaucoup de retours client. Je crée en général des maquettes d’affiches, c’est comme un brouillon, une piste de ce que peut être l’affiche. Une fois la piste decidée avec le client, celle qui va servir au mieux le film, je passe à la réalisation finale au propre, dans le détail et dans les formats demandés. Puis je fournis un document pour l’imprimeur tout simplement. En France, on a l’impression que l’affiche de cinéma c’est un domaine réservé à une poignée d’agences seuleument. Est-ce vraiment le cas ? Oui tout à fait c’est un petit milieu où tout le monde se connaît. Il y a de grosses structures et de plus petites essayant toutes de répondre au mieux à la demande des distributeurs. Selon vous, y aurait-il un endroit "rêvé" , un pays ou une ville, pour la création d’affiche ou de manière générale pour la conception graphique ? Pas spécialement, il est évident que chaque pays à ses propres normes en terme d’images, des goûts propres au pays, mais je ne pense pas qu’il y ait un pays rêvé pour la création d’affiches de films. Dans vos références visibles sur votre site, on voit du cinéma bien sûr mais aussi de la pub, du web… quel domaine a votre préférence ? La publicité et la direction artistique sont ma formation initiale, je ne lâche rien car ça me sert tous les jours et même dans la conception d’une affiche pour un film du genre typo à utiliser, couleurs, cadrage, sens de lecture d’une image en fonction du message que l’on cherche à véhiculer... Mon domaine préféré reste quand même le cinéma. J’aime à chaque fois que je travaille sur un film découvrir le film, les personnages, les décors, l’univers qu’il degage et chercher la meilleur façon de faire ressortir le film à travers une image fixe. Bien qu’ayant ses propres codes l’affiche de film reste pour moi plus créatif que la publicité, trop chartée parfois. C’est dommage car il y aurait tellement de choses à faire en terme d’image dans la pub qui ne se font pas, souvent par crainte du "nouveau" de la part des clients quand ce n’est pas le manque de budget. C’est souvent très redondant. De manière générale comment "décrochez-vous" vos contrats ? Au début j’ai commencé en créant de fausses affiches de films, je me donnais un thème général de film qui pourrait exister par exemple sur mon site "Bonnie & Clyde" ou "Vol de nuit", puis je prenais en photo des amis et je créé un ou plusieurs visuels. Tout cela afin de me faire un book d’images type cinéma, puis je suis allé démarcher des producteurs des réalisateurs, distributeurs en présentant mon travail et ça leur a plu ! J’ai donc pu travailler sur de vrais films, courts métrages, moyens, et là je commence les longs. Après c’est en général une réaction "boule de neige" les gens avec qui j’ai travaillés me rappellent pour la plupart, parfois parlent de moi dans leur cercle etc. Je démarche tous les jours afin de continuer de trouver de potentiels clients que ce soit dans la pub ou dans le cinéma. C’est un petit milieu ou il faut être un battant pour se créer sa place ! Vous avez conçu une série de visuels pour la série TV Canal+ Maison close. Pouvez-vous expliquer l’histoire de ce projet ? C’était quand je travaillais dans l’agence BETC, une directrice de création m’a apporté un panel de photos et le brief du client sur cette nouvelle série qui allait voir le jour. Je devais faire des propositions d’affiches et c’est ce que j’ai fait. Malheureusement les affiches ne sont pas exactement celles qui ont été retenues !(rires) Vous travaillez également pour des annonceurs publicitaires, tels que la bière Skoll (à consommer avec modération !) ou le championnat de rugby Top 14. Y a-t-il une différence entre créer une affiche "télé-cinéma" et affiche publicitaire ? Le processus de création reste le même. Trouver une idée, la direction artistique servant au mieux le produit, esayer de raconter une histoire afin de faire rêver les gens. Vous avez aussi réalisé beaucoup de belles affiches pour des courts-métrages et vous nous confiez l’autre jour être sur un projet de long-métrage. Vous pouvez en dire plus ou c’est prématuré ? Le film s’appelle "Nous Quatre", film franco-belge de Stéphane Hénocque produit par Rubykub films et FOXP2 pictures. Le film a déjà été tourné une premiére fois en indépendant avec de petits moyens, mais le sujet qu’il véhicule est très beau. Il a intéressé des productions qui ont décidé d’investir de réels moyens financiers dans le projet avec des comédiens connus et une vraie équipe. Le film va être tourné à nouveau du coup. Déjà de nombreux gros distributeurs sont interessés. Il devrait sortir en France et en Belgique. Affaire à suivre. Votre film-totem ? Derniérement Le loup de Wall Street, mais sinon Cyrano de Bergerac de Jean-Paul Rappeneau avec Depardieu. Ce film est une performance pour l’acteur de part les dialogues en alexandrins et un hommage à Edmond Rostand je trouve. Très beau film. Votre réalisateur-totem ? Je dirais Tim Burton, de part son fantastique, les couleurs, les ambiances qui se dégagent de tous ses films. L’acteur ou actrice que vous rêvez de rencontrer ? DiCaprio que je trouve très bon acteur, et Vahina Giocante très jolie femme et actrice merveilleuse ! Votre affiche préférée de tous les temps ? Il y en a tellement que j’adore, c’est arrivé de nombreuses fois que je m’arrête dans la rue devant une affiche de cinéma pour l’admirer. Je ne sais pas... Je dirais "Jaws" de Spielberg même si ça ne date pas d’hier, je trouve cette affiche très forte ! Justement, qu’est-ce qui vous plaît dans une affiche au cinéma ? Et au contraire ce qui vous dérange ? Ce que j’aime quand je vois une affiche, c’est l’envie qu’elle me procure d’aller voir le film, avoir l’envie de vouloir s’arrêter devant et contempler chaque détails, les couleurs, les textures… Ce qui me dérange (il réfléchit), rien mis à part la frustration de me dire que j’aurais voulu la créer ! Même si cette frustration m’aide à avancer et à toujours vouloir faire mieux pour travailler sur de beaux projets. Un créateur d’affiche préféré ? (rires) Oui ! Trois même ! Ils sont pour moi excellents dans leur partie : Rageman (voir interview de l'agence RYSK), que je salue, le fameux prof qui m’a donné envie de faire ce métier en me montrant son book, Cador et Jeff Maunoury. Dernièrement, quelle(s) affiche(s) vous ont percuté dans le bon sens ? Un illustre inconnu, film avec Mathieu Kassovitz (Matthieu Delaporte, 2014), affiche signée Rageman. Très belle, très forte visuellement, ainsi que son affiche animée d’ailleurs. Et quel film ? La French de Cédric Jimenez. Ambiance année 60, décors, lumières, musiques, histoire et acteurs, pour moi tout y était. A votre avis, une super affiche fait-elle un super film ? Non une super affiche ne fait pas forcément un super film, sous le beau papier cadeau peut se cacher un gros navet. Après les goûts et les couleurs ne se discutent pas, le tout est comme je vous l’ai dit de servir au mieux le film et de le représenter. Dites vous bien que l’affiche doit résumer le travail de toutes les personnes ayant travaillé sur le film. Un peu comme le blazon d’une équipe. Il faut que le simple passant dans la rue sache au premier regard de quoi il s’agit, si c’est une comédie, un film de guerre d’horreur ou autre et pour cela il y a des codes propres à chaque thème. Le marché français est innondé de films ou séries pour la plupart américains il faut bien le reconnaître. Sentez-vous une différence entre leurs affiches à eux et nos affiches françaises ? Comme je le disais précédement chaque pays à sa propre culture en termes d’images. Je pense que l’on n’a rien à envier de leurs affiches et inversement. Lors d’un précédent entretien avec le réalisateur Yann Danh (lire l'article ici, il nous a raconté comment il était tombé "amoureux" du film Zombie de George Romero grâce à l’affiche mais sans voir le film ! Cela vous est-il déjà arrivé ? Oui plein de fois. Il y a tellement de film que je n’ai pas vu ou pas eu le temps de voir mais qui m’ont donné envie de les regarder grâce à l’affiche sans avoir lu le moindre synopsis ! Racontez-nous votre pire et meilleur souvenir au travail ! Je n’en ai pas. Mis à part parfois et c’est rare heureusement, les mauvais payeurs. Je ne citerai pas de noms, ils se reconnaîtront.