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Yann Danh


Aujourd’hui c’est Yann Danh qui a la gentillesse de nous accorder un entretien. Remarqué notamment pour sa publicité H&M intitulée « Pretty Woman », ce réalisateur passionné vient de terminer A Tout Prix, un court de 15mn ancré dans une réalité sociale tendue mais servie par une distribution impeccable et une technique irréprochable. A tel point que le film a été racheté par Môsieur Anthony « les experts » Zuiker. Lire notre article sur Implacable, le prochain long-métrage de Yann Danh en cliquant ici

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Portrait de Yann Danh

Salut Yann, merci de m’accorder cet entretien. Peux-tu rapidement te présenter ? De ton premier coup de foudre cinématographique à aujourd’hui ? Je suis un enfant de la VHS. Mon premier coup de foudre c’était Le bon, la brute et le truand et depuis il y en a eu tellement ! Ce serait indécent de tous les citer !

Là tu viens de finir A Tout Prix, un très beau court-métrage d’une quinzaine de minutes. Raconte-nous un peu la genèse de ce projet. Merci beaucoup. La genèse c’était : une envie dévorante de raconter cette histoire. De faire un film prenant, stressant, tendu, surprenant... Après avoir vu ATP, je suis peut-être le seul mais j’ai pensé à Sheitan de Kim Chapiron ! Peut-être le côté maison de campagne isolée, ou même la photo par moment très sombre. C’était volontaire de ta part ? Marrant que ça t’ait fait penser à Sheitan. Bien que j’aime le film que je trouve drôle et malsain, je n’y ai pas pensé une seconde. Ce qui est surprenant dans ton court-métrage c’est la maîtrise technique (de la réalisation au montage) et surtout cette superbe photo. Tu peux nous expliquer comment tu procèdes sur une scène avec ton chef opérateur et ton équipe de manière générale ? C’est très gentil merci. Je ne pense pas procéder d’une façon particulière. Je lis mon scénario, je prends des notes, je découpe, je fais une liste des plans à tourner, je storyboard, je fais des réunions avec les différents départements artistiques du film tels que la photo, les costumes, la déco (bon là la déco c’était moi !) et on cherche à trouver la meilleure ambiance, la direction qui nous paraît juste pour raconter notre histoire. On prend également en compte nos moyens et on tente d’en tirer le maximum. Après c’est toujours un peu pareil, pour aller un peu plus en profondeur c’est une affaire de ressenti, de goût personnel… J’imagine aussi que des influences ont dû ressurgir mais ce qui compte c’est de trouver le moyen de raconter cette histoire le mieux possible. Et je sais qu’un truc qui ne me quittait pas c’était d’envisager le film comme un conte de fée, aussi bizarre que cela puisse paraître. A titre personnel ce que j’aime dans un film c’est d’abord sa forme, son aspect graphique même si le fond reste indispensable. C’est aussi ton avis, ou tu serais plus à privilégier une partie que l’autre ? La première chose qui m’importe c’est l’histoire. Puis comment je vais la raconter et réussir à utiliser le langage pour partager un feeling, une émotion, une sensation. J’aime quand le cinéma est narratif tout en restant sensitif. Je cherche à allier les deux… La belle image pour la belle image ne m’intéresse pas bien que j’y sois très sensible mais j’essaie d’aller plus loin. J’essaie juste de faire le cinéma qui m’a donné envie d’en faire en fait. Et ces acteurs alors ! Ils doivent avoir non seulement des “gueules” atypiques, mais en plus bien jouer la comédie. Tu les as rencontrés comment ? Merci pour le cast. Je les ai rencontrés comment ? Ca dépend en fait. Certains comme Franck Sarrabas et Pascal Henault j’avais déjà travaillé avec eux sur du clip. Et j’avais très envie que l’on aille plus loin ensemble ! Simon on l’a casté et très vite ce fut une évidence. Fatima et Bruno je les avais vus dans des courts-métrages et leur travail m’avait beaucoup plu. Onna j’ai été invité à la voir jouer sur scène et je l’ai trouvé formidable donc : bim ! Le temps de rentrer à la maison je lui ai proposé le scénario et elle a dit oui. Ce qui m’a rempli de bonheur ! Presque autant que de travailler avec elle. Je suis très fier du casting du film. Et leurs énergies différentes et leur charisme respectif participe à donner à ATP une couleur qui me plaît. On revoit avec plaisir Marc Duret, aperçu dans Le Grand Bleu, Dobermann, Nikita ou encore Le Sang de la Vigne... (voir interview) dans un rôle plutôt "sarkozien". C’est un ami à toi ? (Marc Duret hein pas Sarkozy !) Lui c’est encore différent. On ne se connaissait pas avant. Il m’avait contacté pour me rencontrer car il avait vu mes films précédents et mes clips. Il m’a fait part de son envie de travailler avec moi… même dans un tout petit rôle. Je lui ai envoyé le scénario, il a aimé et c’était parti! Marc est un super acteur. Une Rolls même. J’espère qu’on retravaillera vite ensemble. Ce qui est bien dans "ATP", c’est qu’il prend écho dans l’actualité : les cas de "bossnaping" sont de plus en plus répandus : l'usine Goodyear d’Amiens, Edit66 à Cabestany, la Fnac de Paris etc. ça me rappelle aussi le film de 1994 "Swimming With Sharks" où un simple assistant séquestre et torture son patron. C’est comme ça que t’es venu l’idée du film ? En suivant une actu sociale plutôt morose ? Pas vraiment. Même si j’ai été sensible à ces séquestrations qui ont défrayées la chronique, ma première envie était double : faire un thriller palpitant et surprenant et d'utiliser un sentiment que je ressentais profondément après avoir bossé en entreprise et où tout le monde était devenu l’ennemi de tout le monde. Ce sentiment et cette envie se sont confondus pour donner naissance à ATP. J’ai entendu dire qu’ATP a été acheté et distribué aux Etats-Unis par Anthony E. Zuiker, le créateur des franchises CSI "Les Experts". Explique-nous comment un type comme lui est tombé sur ton travail. En allant au festival de Cannes avec ATP, j’ai eu la chance qu’un très gentil et très talentueux réalisateur, Xavier Gens (Frontière(s) 2007, The Divide 2011), voit mon film qu’il a aimé. Il m’a présenté à deux de ses partenaires et l’un d’entre eux qui est distributeur sur le marché international a demandé à voir mon film… aussitôt fait il m’a dit avoir un « deal » pour moi aux Etats-Unis... Et derrière c’était Anthony E. Zuiker. Zuiker est un homme de télé. Les plus gros cartons actuellement ce sont des séries justement (Les Experts, Walking Dead, The Wire, Game of Throne...) tu as des vues de ce côté ? J’adorerai bosser sur une série. J’adore le ciné et je pense que la TV a atteint un tel niveau de qualité que parfois certaines séries sont bien au-dessus de certains films de cinéma. Tôt ou tard j’espère avoir la chance de bosser sur une série du calibre de celles que tu cites. A ton avis, qu’est-ce qui sépare la production audiovisuelle américaine et française ? Et au contraire qu’est-ce qui les rapproche ? C’est compliqué de te répondre dans la mesure où je ne connais pas assez les deux systèmes... Donc mon avis sera peut-être faux. Le financement est différent. Le public est mondial pour les Etats-Unis plus "national" pour les français. Après ce qui les rapproche ? Quoi qu’il advienne les deux sont une industrie et il y a du bon et du mauvais chez eux ou chez nous. Il me semble que tu as des projets de longs-métrages. Alors du court au long quelle est l’étape la plus difficile d’après toi ? Oui j’ai plusieurs projets. Je travaille depuis un petit moment maintenant avec Metaluna Productions sur un thriller : Implacable. Un projet que j’adore on va rentrer dans la phase de casting. A côté de cela je développe d’autres projets dont un « survival » en collaboration avec un talentueux romancier : Michael Mention (Le rhume du pingouin 2008 éd. du Rocher, Sale temps pour un pays 2012 éd. Rivages Noir, Jeudi Noir 2014 éd. Ombres Noires). L’écriture du projet avance bien. Beaucoup de films sortent chaque année. Lequel t’a filé une bonne "claque" et au contraire lequel t’a déçu ?? Pour la bonne claque : Fincher et son Gone Girl. Comme toujours en fait avec lui (rires)! Et la déception ? Pas très envie de parler de ce qui ne me botte pas... Par contre une jolie pépite qui est sortie en salle récemment : It Follows, faut voir ce film ! Le réa' est brillant ! Et puis il y a eu Night Call qui était formidable. Affiche Il était une fois en Amérique © Warner Bros. Ton réalisateur préféré ? Sergio Leone. Et maintenant ton film-totem ? Il était une fois en Amérique. Bon et les affiches maintenant ! Elles sont indissociables de leur film. C’est leur carte d’identité en quelque sorte. Que regardes-tu en premier chez elle ? Leur graphisme, l’émotion, l’impression qui s’en dégage, ce que ça suscite chez moi dont l’envie de voir au-delà de l’affiche. A ce propos, qui a conçu celle d’A tout prix ? Elle a été conçue par un jeune et talentueux graphiste : Nelson Dos Santos. Qu’est-ce qui te branche et au contraire ce qui te débranche dans une affiche de film ? J’aime qu’une affiche capte mon attention au point de me donner ENVIE de voir le film... Je me souviens d’une vieille affiche du film Zombie de Romero (Dawn of the Dead 1978) Il y avait un vieux bar derrière chez ma grand-mère et il y avait cette affiche qui me terrifiait et me fascinait à la fois. Tout en sachant que je ne pouvais pas voir ce film qui était interdit à l’époque. J’ai fantasmé sur ce film pendant longtemps grâce à cette affiche. Ce que je déteste c’est quand l’affiche n’est là que pour te dire : y a bidule et truc dedans, tu vas voir c’est cool VIENS ! En gros c’est juste une “pub” pour me vendre un baril de lessive… sans imagination, sans créativité et il y en a beaucoup trop. Et bien sûr les affiches qui passent leur temps à recycler des “codes” vus et revus sur d’autres et ça devient malheureusement fréquent. Tu es déjà allé voir un film sans le connaître juste parce que son visuel t’a accroché le regard ? J’ai vu des tonnes de films grâce à leur affiche ou jaquette VHS. Bon le truc c'est que certaines jaquettes étaient finalement meilleures que le film (rires)! J’ai adoré l’époque de la VHS et les Vidéo Club. Quelle est ton “movie poster” préféré ? Celui qui trône toujours dans ta chambre d’ado jusqu’à aujourd’hui ? J’ai toujours encadré la très belle affiche de Il était une fois en Amérique. Et la dernière avant de te laisser filer : cette année quelle affiche a tapé dans le mille et laquelle a fait “pchiitt” selon toi ? "Pchiit", elles sont très nombreuses, donc on va les laisser où elles sont : dans la poubelle. La plus belle affiche à mes yeux ? Gone Girl et Night Call. Yann merci beaucoup pour ton temps. A bientôt. Merci à toi et à tout bientôt !