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L'origine de la violence

Eli Chouraqui, 2016

Prochain film d'Eli Chouraqui, donc évènement, donc prochaine analyse des belles affiches. L'homme sait tout faire : produire, réaliser, écrire, interpréter, et plutôt à l'aise pour filmer des quêtes de soi douloureuses. Avec une carrière débutée à la fin des années 70, Eli s'est forgé une réputation à échelle internationale notamment depuis le magnifique Harrison's Flowers. Son dernier opus est l'adaptation d'un autre best seller : le roman autofictionnel de Fabrice Humbert (prix Renaudot Poche 2010 et prix Orange du livre 2009), dans lequel le personnage croit reconnaître son père sur la photo d'un détenu lors d'une visite au camp de Buchenwald en Allemagne.


L'origine vs. Gone Girl vs. Le soldat Ryan © Neil Kellerhouse © agence RYSK © Paramount

Technique

Son nouveau visuel a été réalisé par la célèbre agence Rysk de Claire Safronoff (relire l'interview), donc techniquement c'est beau et graphiquement c'est agréable. Mais c'est aussi l'occasion de rapprocher deux autres affiches aux techniques similaires : Gone Girl et Il faut sauver le soldat Ryan, on verra pourquoi. Au passage on parlera du génial Neil Kellerhouse, discret designer de Los Angeles qui a pourtant conçu un nombre incalculable de campagnes à couper le souffle. Ce que le spectateur va voir en premier dans l'Origine de la violence c'est le duo d'acteurs niché dans les nuages. Leur profil est habilement dissimulé dans le ciel et comme souvent avec Photoshop les rendus les plus réussis ne sont pas forcément les plus durs à faire. En plus ça permet de gagner du temps, utile quand un distributeur vous met la pression. Le mieux ici est d'utiliser le mode de fusion "Superposition" et gommer les parties du visages situées en dehors des nuages. Pour ne pas vous tromper et perdre votre calque d'origine pensez à utiliser un masque de fusion par-dessus vos visages. Autre partie intéressante : le bas de l'affiche. En zoomant très fort on s'aperçoit que la silhouette ressemble fortement à un personnage 3D avec son rendu plastique. L'ombre portée est certainement dessinée à la plume sur un calque à part. La brume en contrebas est obtenue grâce au pinceau et opacité réduite. L'origine vs. Gone Girl vs. Le soldat Ryan L'origine vs. Gone Girl vs. Le soldat Ryan Le plus important est de bien simuler la ligne d'herbe. De manière générale les texture à poil sont compliquées à reproduire. Alors commencez par tracer une ligne à la plume, choisissez et paramétrez correctement une brosse pinceau. Enfin dans l'onglet « tracé » de la palette des calques définissez un contour à votre sélection. Votre forme de pinceau épousera la courbe de votre tracé plume. N'hésitez pas à recommencer l'opération pour obtenir un résultat réaliste. On remarque aussi le travail des couleurs. Coucher de soleil et teinte romantique. Pour accentuer l'effet c'est bien de procéder par plage de couleur. Pour ça le mode de fusion "Saturation" et les calques de réglages offrent de bons résultats. Commencez par exemple avec "teinte/saturation" pour raviver les couleurs puis "noir et blanc" pour apporter de la densité. Vous réaliserez de superbes rendus sans trop de difficultés. Le léger halo blanc dans l'herbe est facilement réalisable : sur un calque à part, dessinez une forme au pinceau, réduisez l'opacité et utilisez le mode de fusion lumière tamisée. Pour simuler le rayon de soleil par-dessus le personnage deux choix s'offrent à vous : une vraie image de halo que vous passez en mode "Eclaircir", ou un nouveau calque rempli de noir, un filtre halo que vous paramétrez correctement puis le mode "Eclaircir" à nouveau. Jouez avec les opacités pour atténuer la « violence » de l'effet. La touche finale c'est cet espèce de grain qui recouvre tout le visuel. Une bonne technique consiste à créer un nouveau calque rempli de noir, d'ajouter un bruit gaussien uniforme et changer le mode de fusion en lumière tamisée avant de réduire l'opacité. Ainsi vous creuserez davantage les contrastes et les couleurs. On retrouve à peu de chose près le même principe chez Spielberg et son soldat Ryan : gomme, plage de couleur et bruit en lumière tamisée. L'utilisation du filtre bruit est important pour obtenir un effet réaliste à condition de savoir doser. Aujourd'hui la plupart des affiches y ont recours. Artistique

Chez Eli l'image est soignée. On entre dans ses films comme dans ses affiches: sur la pointe des pieds. L'agence Rysk l'a bien compris et livre une affiche toute en douceur. Pour son origine de la violence l'aspect romantique et le baiser nous prennent par la main mais le drame n'est pas loin avec sa silhouette solitaire perdue au milieu des montagnes. Recherche désespérée de ses origines ? En tous cas c'est le point de départ du livre logiquement suivie dans le film.


Neil Kellerhouse

Le talent de Kellerhouse c'est cette capacité à créer des visuels aux multiples sens de lecture, mais c'est normal pour un mec qui bosse à Los Angeles. Neil s'est occupé de la campagne de plusieurs films mais aussi d'innombrables packaging : La ligne rouge de Terrence Malick, Funny Games d'Hanneke, Antechrist de Lars Von Trier, le sublime Under the Skin, La bataille d'Alger, Les 7 samouraï et même la version US de La Haine de Kassovitz. Mais c'est surtout avec David Fincher qu'il collabore. Il lui signe trois affiches mémorables : Millenium avec son flou dynamique, The Social Network qui lance la mode des paragraphes dans la gueule et surtout le génial Gone Girl. De prime abord Gone Girl est une affiche simple et anodine, comme L'origine de la violence. Mais Neil et Eli ne prennent pas le spectateur pour un idiot et l'invitent à se rapprocher. On s'aperçoit qu'il s'agit d'un écran de télé avec ses breaking news en contrebas et son grain pixel. La plupart des gens s'imaginent que le titre dissimulé dans les nuages renferme un message et que c'est techniquement difficile. Ni l'un ni l'autre. C'est le très gros plan situé juste au-dessus qui est intéressant. Le regard plane sur Ben Affleck en lumière tamisée opacité très réduite. Juste ce qu'il faut pour être visible mais pas trop. Comme sur l'affiche d'Eli, celle de Neil est un travail sur la solitude et la recherche désespérée. Un ciel nuageux, des plages de couleur saturée/désaturée et le héros minuscule tout en bas avec sa foule de questions dans la tête.