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Night Fare

Retrouvez l'interview de Julien Seri ici

"Luc Besson est un homme que je respecte énormément et sans lui peut-être que le cinéma français ne m'aurait jamais regardé", voici comment Julien Seri parle de l'homme qui a lancé sa carrière. "Après la première réunion, j'avais les jambes qui tremblaient tellement que j'ai remis la béquille de ma moto". Alors pourquoi tant d'amour malgré un désaccord artistique qui a poussé les deux hommes à s'affronter dans un tribunal ? Eh bien parce qu'en plus de Besson, il faut compter sur Seri pour les films de genre français. Ils partagent la même passion des combats, des cascades, du rythme. Mais Seri et son équipe : Paul Mignot, Pascal Sid et Raphael Cohen, sont les rares voire les seuls à produire du genre sans l'aide d'EuropaCorp grâce à leur propre structure : Daigoro Films.

Derrière sa belles séries d'affiches urbaines rétro-modernes signées Diez Dedos, Philippe Vallet, Elisabeth Souchon et Gabriel Barbier, Night Fare enclenche la cinquième et déboule en pleine guerre entre l'UberPOP américain et les taxis gaulois. Il faut choisir un camp et pour nos deux protagonistes mieux vaut payer sa course. Maintenant vous êtes prévenus : les taxis ont la rage et ne reculent devant rien pour défendre leurs droits. Après avoir vu le film choisissez plutôt un bon vieux taco au risque de subir le même sort que les personnages. En plus Jonathan Howard parle anglais... comme Travis Kalanick. On vous aura prévenu.

Le réalisateur aime les punchlines qui claquent comme un low kick « On a l'acteur de Thor mais le budget de Godard ». Certes mais la similitude entre le chef d'oeuvre de Scorsese et Night Fare est riche d'enseignement. Physiquement épuisé par les kilométrages interminables, regard perdu dans le vide, idées noires que l'ennui vous imposent, c'est sûr qu'elle que soit le transport qu'on utilise ça fait bourdonner les oreilles et anesthésier les neurones. L'excès de conduite peut nuire gravement à la santé mentale du chauffeur. Routier au bout du rouleau ou chauffeur de taxi agacé par la concurrence étrangère, mieux vaut respecter la distance de sécurité. Le "boogeyman" de Night Fare ou Travis Bickle de Taxi Driver aiment par-dessus tout leur voiture : un véritable prolongement de leur... personnalité. Obsessionnels et violents, le manque de respect des clients ou la voracité des patrons Californiens peuvent les faire basculer vers le point de non-retour. Autre talent commun : le choix de casting. D'un côté vrai boxeur mais faux comédien, de l'autre vrai comédien mais faux boxeur, résultat : la réussite est frappante. Le Banner devient bon comédien et De Niro excellent boxeur. Scorpion – Raging Bull ou l'art de diriger des scènes de combat en trompant son public.

Un réalisateur c'est un homme qui sait tout faire. Tourner, monter, diriger, promouvoir et surtout conduire sa bagnole tous les jours pour se rendre sur le plateau. Certains chanceux ont même un chauffeur payé par la production pour les véhiculer. Chauffeur VTC forcément car moins cher, ce qui explique pourquoi les metteurs en scène se défoulent dans leurs films. Julien Seri braque à fond dans son Night Fare, John Carpenter fonce droit dans le mur avec Christine et Martin Scorsese préfère la marche arrière cérébrale dans Taxi Driver. Chacun sa façon de conduire. Night Fare c'est surtout l'histoire d'un petit groupe passionné de cinéma. Urbain, nocturne et bien référencé, l'atterrissage de leur OVNI est prévu le 4 novembre en France "grâce à un courageux distributeur : Kanibal". Les extraits disponibles sont prometteurs, à plus forte raison lorsque l'on connaît les conditions de production. Aucune aide classique... Le film s'est monté uniquement sur des fonds privés. Il entame actuellement un tour du monde des festivals où on lui souhaite du fond du cœur plein de récompenses.