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Stratos Gabrielidis


Stratos Gabrielidis est monteur professionnel. Il travaille pour Europacorp, Pierre Jolivet, Jacques Perrin ou encore Guillaume Canet. Les secrets d'un film réussi passe beaucoup par ce travail de l'ombre qu'on appelle le montage. Quels sont ses secrets ? Ses combines ? Ses références ? Ses techniques ? Réponses sans langue de bois de la part d'un mec tout aussi direct que talentueux.


Portrait de Stratos Gabrielidis

Bonjour strAtos. Avant de parler de ton métier parlons de l'actualité. Tu es d'origine grecque, ça t'inspire quoi les évènements là-bas et ce qu'on surnomme le « coup de poker » de Tsipras ? Je suis fier ! Très fier de ce qu'il dit à l'Union Européenne. En fait il dit tout haut ce que les autres ne pensent pas. Après, est-ce-qu'il ira au bout ? J'y crois pas trop... en tous cas tout seul c'est impossible. Le FMI et la Banque Mondiale sont des organismes trop puissants et ils nous mettent la corde au cou. Tu vois un grec « vit » en moyenne avec 300€ par mois et rien ne baisse. Le litre d'essence est toujours à 1€80 alors qu'en France il est autour de 1€30... Il y a énormément d'écart entre les riches et les pauvres. J'ai même entendu dire qu'en mer Egée on a trouvé des réserves de pétrole aussi importantes qu'en Iran, alors pourquoi cherche-t-on à appauvrir les grecs ? Pour mieux les piller sans doute... Voilà mon avis un peu brouillon mais qui résume la situation. Tu as commencé ta carrière à quelle période ? Dans le montage c'était en 1987 à Paris Avec Philippe Laïk. Tu es donc monteur professionnel pour le cinéma et la télé. Tu peux nous citer quelques unes de tes références ? J'ai travaillé sur La haine comme assistant, sur La reine blanche de Jean-Loup Hubert avec Raymonde Guyot comme chef monteuse (deux Césars du meilleur montage en 1979 et 1986, NDLR), Le radeau de la méduse un film au tournage catastrophique (rires). Il y a aussi Pierre Jolivet sur En plein cœur, Ma petite entreprise, Le frère du guerrier et Guillaume Canet pour Mon idole. J'ai pas mal travaillé avec ma mère car elle était chef monteuse aussi. Justement, avec quel matériel travailles-tu ? Avid et Final Cut. Depuis L'arrivée du virtuel les monteurs images doivent aussi faire des maquettes du montage son, du montage des musiques et des maquettes des effets spéciaux. Le montage est indispensable pour la production d'un film mais c'est un travail de l'ombre, un peu comme le créateur d'affiche. Tu peux nous expliquer en quoi ça consiste ? Tout à fait. En tant que monteur on t'amène du matériel : scénario, images, son... C'est un gros travail avec le réalisateur et le producteur pour narrer le film. Je commence par monter les images, je colle Des musiques « témoin », je rajoute des sons, une bande sonore... Des vidéo Fx qui permettent de corriger les pétouilles, les petites imperfections : un acteur qui regarde malencontreusement la caméra ou une perche qui traîne... Il n'y a pas un film qui ne soit produit sans au moins une cinquantaine d'effets. On peut aussi, s'il manque un plan, le reconstituer avec plusieurs images de la séquence. Qu'est-ce-qu'il existe comme type de formation pour être monteur ? Alors pas mal ! Tu as la FEMIS bien sûr (ex-IDEC, NDLR), Louis Lumière, les Gobelins, Paris VIII... même Besson possède sa propre école, celle de La Citée. Personnellement j'ai appris tout seul, en autodidacte. Dans le montage il n'y a pas de règle c'est vraiment du feeling. Tu définirais ça comme un travail solitaire ou au contraire un travail d'équipe ? C'est plutôt solitaire au départ. En fait l'assistant intervient pendant le tournage et le chef commence en général à travailler 2 ou 3 semaines après le début du tournage. Il n'y a pas vraiment de règle établie. C'est quoi la qualité principale d'un monteur d'après toi ? Plutôt artistique ou plutôt technique ? Je dirai que c'est 20% de technique et 80% d'artistique. C'est plus un poste artistique que technique. La technique elle vient toute seule avec la pratique. Le réalisateur arrive avec plein d'idées à la fois parce qu'il connaît son film par cœur, donc tu dois t'adapter et pas perdre de temps à chercher où est tel effet ou comment faire tel truc, sinon ton réalisateur peut perdre patience. Assistes-tu au tournage des productions que tu montes, ou c'est secondaire ? Non je n'y assiste pas. Une seule fois au Maroc ça m'est arrivé pour une série télé. A la fin de la journée toute l'équipe débarquait dans la salle pour vérifier son travail jusqu'à 2h du matin ! Il faut savoir s'imposer aussi. Dans ton métier, quelle est la rencontre que tu n'oublieras jamais ? Plusieurs ! Pierre Jolivet, Guillaume Canet, Costa Gavras, et Jacques Perrin. Avec lui d'ailleurs c'était une vraie odyssée ! Un type incroyable Jacques Perrin, qui met son propre argent sur la table pour produire ses films. C'est un véritable auteur, un producteur à l'ancienne ! J'ai monté le documentaire de Pierre Marcel sur la vie de Tabarly en 2008. Ils ne sont pas forcément connus du grand public mais y a-t-il un monteur ou une monteuse que tu admires par-dessus tout ? Yves Deschamps (Les choristes, Iznogoud, Ma petite entreprise) que j'ai formé au nouvelles techniques du virtuel et avec qui j'ai travaillé pour Pierre Jolivet et que j'admire énormément. On voit souvent des réalisateurs qui travaillent avec les mêmes monteurs, comme Scorsese et Thelma Schoonmaker par exemple. Pourquoi ? C'est un travail de confiance avec lui. Tu partages les mêmes idées, les mêmes solutions, tu t'entends bien avec le réalisateur, ça marche dans les deux sens d'ailleurs. Dernièrement quel montage de film ou de série t'as le plus impressionné et pourquoi ? Alors en série je vais dire Dexter. Au moins les quatre premières saisons parce que l'exercice de la voix off est très compliqué et qu'ils en ont fait un vrai personnage. Après la quatrième c'est un peu dommage on sent trop les ficelles, les scénaristes qui travaillent... Et en film Requiem for a Dream, magnifique. Ton film culte ? Z de Costa Gavras sans hésitation ! Mon film de chevet que je regarde depuis que j'ai Vu à l'âge De 6ans. Alors tu sais que le site des belles affiches parlent d'affiches de films forcément ! Est-ce que tu les aimes ? Oui j'aime beaucoup c'est un support important. C'est un peu comme la bande annonce , ça fait suite à la post-production et c'est un visuel que tout le monde voit, contrairement à la B.A. qu'on peut rater. Quelle est ta préférée et pourquoi ? (Il réfléchit) Alors... peut-être celle de Spike Lee pour la 25ème heure. Elle est fidèle au film et tu sens les vibrations du film dans l'affiche. Dernièrement quelle affiche t'as le plus marqué ? Je vois pas... Ah si ! Peut-être celle de No avec Gael Garcia Bernal (Pablo Larrain, 2012), à cause de l'arc-en-ciel derrière (rires) Les affiches préférées de Stratos Gabrielidis Tu as déjà vu un film grâce à son affiche ? Je me rappelle de ce film que j'ai au Ciné Club, un vieux truc très dur sur les enfants des rues, avec la drogue et la prostitution... Je crois que ça s'appelait "Pixote" (film brésilien effectivement très dur sur les enfants des rues de Sao Paulo réalisé par Hector Babenco en 1981, NDLR). Justement pour les jeunes réalisateurs, tourner des courts c'est presque indispensable et même des plus confirmés en font, comme David Cronenberg récemment. Mais comment tu gères le passage du court au long ? L'exercice du court est un exercice difficile, faire passer des émotions et une idée en très peu de temps c'est les premiers pas vers le long métrage. Il faut aussi du soutien, se tenir à l'affût, sortir des sentiers battus. Il faut affirmer sa mise en scène et faire les choses que tu aimes comme tu les aimes. Et tes projets pour 2015 et au-delà ? J'ai trois courts-métrages écrit. Un adapté d'une nouvelle de Prosper Mérimée mon auteur-culte : Mateo Falcone. Le problème c'est qu'un long métrage existe déjà donc je vais devoir abandonner pour éviter les doublons... J'ai aussi un projet d'une parodie des films d'action qu'on a écrit Alaa Safi, un ami comédien, mais qui nécessite pas mal de moyens : je voudrais deux steadycam, un drone, des poursuites en voiture ! Sur les treize minutes de prévues, en gros tu auras neuf d'action (rires) donc ça prend du temps, de l'argent et je veux bien le faire. Bon alors il est comment Guillaume ? Sympa ou pas sympa ? C'est un super réalisateur qui te regarde comme un être humain et pas uniquement comme un technicien.