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Les belles affiches > l'humeur de "JLH" > Creed

Creed

par Jean-Luc Herbulot pour les belles affiches (relire l'interview)


Réalisation : Ryan Coogler, 2015

Creed © MGM - New Line Cinema
La critique

Etant né dans les années 80, je suis supposé avoir vu, revu, aimé Rocky. Seulement voilà, ayant grandi au Congo Brazza avec un accès tardif aux chaines du monde extérieur, les premiers films d'action ou de tape que je me suis envoyé provenaient de VHS de vidéo club ou de Télé Congo qui, hors ses programmes datant de l'âge de pierre, s'était fait la spécialiste des films de kung-fu chinois le dimanche soir. On en est actuellement au stade des années 60, où la machine hollywoodienne peine à se renouveler et gave les spectateurs à coup de supers collants et de gros coups de market' sabro-laséré. L'humain ? on laisse ça aux séries. Au Congo on est fans de Stallone, de Schwarzy, de Van Damme, parce qu'au Congo on adore les films d'action. Les films d'action de propagande des années 80 sont cultes là-bas, et à la place de Rocky on a tous préféré Rambo 1 et Rambo 2. On a préféré Commando à Predator, on a préféré Blood sport à Double Impact, On préfère Rocky 3 et 4 à Rocky 1. De ce fait Rocky 1 est entré très tard dans ma vie et de ce fait j'ai rencontré un film qui me paraissait vieux et desuet pour mon âge. Un peu comme Rocky pour Adonis... c'est un fait, Rocky 1 à l'image de Rambo 1 a beaucoup vieilli, mais n'en restent des films qui avaient une âme. Un apolitisme voire même pour certains des messages quasi subversifs (cf First Blood). Pourquoi je tourne autant du pot me direz-vous ? Et bien parce que à mes yeux ceux d'un mec censé Rocky 1 mais qui n'a pas réussi à le kiffer faute de visionnage tardif, Creed est le parfait reboot/remake/remâchage de Rocky 1. Peut-être même l'un des meilleurs reboot que j'ai pu voir. C'est plus simple de repasser après les Rocky 2,3,4, c'est extrêmement plus complexe de retrouver l'âme du premier Rocky. Spécialement aujourd'hui où la majorité des grosses franchises sont dénuées de toute âme, message ou sincérité intellectuelle. Mais les années 70 (ou 90 au choix) arriveront tôt ou tard et Creed laisse présager du bon pour l'horizon, au même titre que Straight Outta Compton, Dope, ou encore dans une autre mesure Sicario. Une génération d'exécutants et de réalisateurs ont digéré les conneries et la voracité de leurs prédécesseurs et surtout, comme moi, ont grandi avec la subversion du cinema indépendant des annees 90 portés par des vilains petits couillons (Fincher, Tarantino, Soderbergh, Jonze, Kassovitz (oui oui La haine aux US reste un phénomène), Boyle, etc...). C'était donc évident : la génération de cinéastes et éxécutifs trentenaires voudraient leur part du gâteau et c'est lentement en train d'arriver. Pour avoir fait le tour des studios et des productions de petites à grandes échelles je ne peux que confirmer cette soif de faire frais et déroutant (mention speciale à la boîte de production de Brad Pitt "Plan B" et celle de Will Smith "Overbrook"). Et Creed enculé ? (m'insulterez-vous) et bien oui je remets mes lunettes de Père Castor > Creed est une tuerie. C'est le film qui me réconcilie avec Rocky et le digne héritier de son père (littéral comme figuré). Je l'avoue, la bande annonce m'avait fait très peur (c'est quoi encore que cette opé' marketing avec un type qui est censé venir de la rue et qui court en complet Jordan (interprété par Michael "B" Jordan ahaha très drôle!) et BIM - comme Pour Straight outta je me suis mangé ma mauvaise foi dans la gueule. La réa' est très maligne, l'utilisation des musiques est sublime (mettre du Hail Mary de 2pac c'est me faire jouir avant la pipe matinale (sic!)), Michael "B" Jordan est crédible, vrai, bluffant, Stallone olympique, le montage, le rythme tout en cassure et longs plans séquences (à noter le montage du 1er combat et du dernier) est d'une habilité et d'une malice qui me redonne goût au ciné. La photo est belle (le moment de l'arrivée du boxeur antagoniste en 3ème acte est à tomber) avec une aura néo-indépendant. On ne peut dire si le film est fait avec 60 millions comme avec 10 et ça c'est une marque de grand. Si Ryan Coogler ne m'avait définitivement pas marqué avec Fruitvale Station qui brillait surtout par un scénario efficace et une interprétation habitée et toute en humilité de "B" Jordan, avec Creed le jeune réa' de 28 ans nous prouve qu'il sait de quoi il parle et qu'il est comme Adonis : un vrai admirateur du Rocky d'origine. On ne peut que déplorer l'attitude de Stallone lors des derniers Golden Globes quand à aucun moment il ne cite ni ne remercie ces deux jeunes, qui ont certes surfer sur la gloire d'antan de Rocky, mais qui ont définitivement remis la saga sur les rails et ont permis à Stallone de retoucher une statuette (c'était pas gagné avec les Expendables), volontaire ou non, c'était très maladroit. Creed possède une âme. Un film sincère, touchant, jamais prétentieux, respectueux de son héritage et à la fois rageux de faire mieux, ce qui représente exactement le personnage d'Adonis face à celui de Rocky. Les deux films sont le père et le fils adoptif, la vraie fausse suite de Rocky, le vrai digne successeur de son prédecesseur, avec juste le nom qui diffère. Fond/forme/âme > le contrat est rempli, j'ai versé ma larme pour des raisons personnelles. Un grand petit film. Courrez-le voir.


L'affiche

L'affiche officielle est intéressante et plutôt rare dans ce cadrage par le vide. On notera le geste symbolique du passage de témoin entre Adonis et Rocky. Un rocky tourné vers le passé et un Adonis tourné vers le futur (dans le sens de lecture occidentale). Une sobriété et une classe qui résume bien l'oeuvre et qui comme on le disait plus haut, surfe entre le ton d'un film indé-énervé et une prod hollywoodienne avec son lot de show et de stars.