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Au coeur de l'océan

par Jean-Luc Herbulot pour les belles affiches (relire l'interview)


Réalisation : Ron Howard, 2015

Au coeur de l'océan © Warner Bros.
La critique

Quelque chose s'est passé chez Ron Howard. Mais quoi ? J'ai beau faire des recherches, demander à son dealer, à ses amis, à sa femme, à Bryce (oui oui on s'bouffe des kebabs à Bastille quand elle vient à paname), ben rien... Personne ne peut me dire comment papa Howard est devenu l'un des « vieux » hollywoodards les plus intéressants depuis Rush. Je l'avoue sans drifter dans mon slip, Ron Howard, avant, j'en avais rien à battre. Le monsieur ne m'a jamais fait rêver, oui oui même Willow m'a pas fait rêvé. Déjà gosse j'avais l'impression qu'on se foutait de ma gueule. Reconnaissant le talent d'artisan hollywoodien qui sait mener ses petits classiques à bon port (Apollo et autres blablaba), j'ai le même problème avec Eastwood que j'ai avec Howard : leur classicisme chiant. Toujours eu l'érection facile pour les mecs qui prenaient des risques, qui abordaient les choses différemment et nous proposent des choses hors des sentiers sur la forme comme sur le fond. Et force est de constater que depuis RUSH, le père Howard est vénère. Choix de focales, de plans, de montage, de musiques, d'étalonnage, de sujets, le monsieur a bouffé de l'écureuil contaminé. Il est survolté. Je regardais arriver son Au fond de l'Océan avec un œil circonspect et jaloux. Circonspect parce que je voyais pondre d'ici le remake de Moby Dick et jaloux parce que j'ai toujours voulu faire un remake de Moby Dick à ma sauce... Ah Starbuck! Achab... Mais voilà, le vieux m'a fait le coup des deux doigts dans l'œil. Heart of the Sea traite de l'histoire vraie du navire ESSEX et ses marins qui a inspiré Herman Melville l'arrière-arrière-arrière pater de Moby, le chauve technophile. Loin de Ismaël, de Achab, du Pequod et de l'albino Whale, on suit ici le récit de L'ESSEX, le vrai baleinier qui quitta l'île de Nantucket le 12 août 1819 et reçu une monumentale vraie bifle d'une vraie baleine blanche raconté par le pas vrai Tom Nickerson aka Brendan Gleeson, vrai poireau irlandais de son état. La vraie version de l'histoire voulant que ce soit le fils d'Owen Chase qui parla de l'histoire à Melville qui couru aller lire le récit de Owen Chase lui-même sur l'ESSEX et ses déboires. Le film prend donc un chemin relativement différent, mais intéressant car vu par les yeux d'un adolescent à l'époque pour mieux mettre en perspective la dualité entre le commandant en second Owen Chase et son capitaine George Pollard. Deux hommes d'origines sociales différentes, aux motivations opposées, et qui vont devoir survivre l'un à l'autre et survivre à l'océan et ses colères. Comme d'habitude je ne vous ferai pas le récit du film, juste m'intéresser à la surface de ce récit complètement taré, que je ne connaissais pas, que j'ai découvert grâce au film d'Howard et approfondi après avec le récit fascinant de Chase. In the Heart of the Sea réussit le pari de ne pas être le film qu'on attend, de se défaire des nœuds de Moby Dick avec une aisance à couper le souffle. Howard est en pleine possession de ses moyens, avec un film compliqué à mettre en place et visiblement pas mal de problème de prod au vu du rapport budget/SFX. D'ailleurs ils "puent" un peu de la gueule à plusieurs moments du film avec des séquences aquatiques qui vieilliront très vite et un étalonnage curieusement osé pour ce genre de film, mais tellement osé qu'on tire notre chapeau à Howard. Chris Hemsworth fait le taff à 200% comme d'hab, l'alchimie entre lui et Howard fait penser à celle de Scorsese et Di Caprio, et on espère qu'ils n'ont pas fini de faire des films. Le film oscille sans cesse entre son envie d'entertainment de masse et de minimalisme humain. Une grosse séquence bourrine appelle toute suite une séquence intimiste de regards et de paroles bien senties entre deux personnages. Le film lui-même étant assez bicéphale dans sa structure, partagé entre le fantastique du monstre mythologique et le pathétique destin d'hommes qui ont transformé une soif de réussite et de surpassement personnel en folie. En témoigne l'utilisation constante de longue focale pour souligner les merveilles de l'océan et d'inserts en hyper courte focale pour souligner la folie et l'excitation d'un monde mené par la soif de l'huile de baleine. Un monde déjà hanté par le démon de la consommation ? Le film d'Howard nous parle du début du capitalisme et du corporatisme américain confronté à la morale et à la fidélité d'hommes qui ont compris que face à la nature, l'abandon, l'honnêteté et le partage sont des valeurs qui nous sauveront la vie. Le film n'est pas exempt de défauts et il a malheureusement raté son entrée au Box Office, domestiquement comme à l'international. Cependant ne vous méprenez pas, comme Rush, c'est un très bon film à hauteur d'homme avec du grand spectacle. Filez le voir, filez vous prendre une rasade d'eau de mer et vous m'en direz des nouvelles du port !


L'affiche

Au choix ? Je les trouve toutes belles et assez représentatives du produit final. Ma préférée étant sûrement celle avec la nageoire levée au-dessus d'une poignée de marins paumés dans un environnement hostile dont la vie dépend d'un coup de queue. N'y voyez aucun jeu de mot. Film simple et efficace pour affiche simple et efficace. Merci Ron.