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Jaws : l'affiche culte

par Youcef Mahmoudi pour les belles affiches (relire l'interview)


Réalisation : Steven Spielberg, 1975

Les dents de la mer © Roger Kastel pour Universal Picture
Pourquoi cette affiche ?

"Une fille nue nage dans la mer. Un requin gigantesque la guette sous l'eau. Le carnivore fonce vers la victime insouciante comme un missile. Le titre «JAWS», en grandes lettres rouge sang tout en haut sur fond blanc, emprisonne la petite silhouette de la victime transmettant une angoisse viscérale à l'observateur. Voici une image bien gravée dans mon inconscient. En complément du poster, une campagne publicitaire agressive à la télévision, utilisant des spots de plans subjectifs du requin sous l'eau accompagné du thème musical Hitchcockien signé John Williams, a généré le « high concept » perfectionné par Hollywood avec la sortie de Star Wars et Alien. Si on a vécu dans les années 70 il n'en faut pas plus pour se précipiter vers le box-office, acheter un ticket, s'asseoir confortablement devant l'écran et se préparer à dire adieu à notre insouciance à la plage. Jaws, Les Dents de la Mer en français, a terrifié toute une génération, transmettant la phobie de la mer de la même façon que Psycho a engendré la peur de la cabine de douche. Cette affiche, frappante par sa simplicité, en est en partie responsable. Elle a été un des outils principaux de la campagne de marketing et comme le film le fait très habilement, elle joue sur le suspense et l'anticipation du carnage à suivre. Le poster est souvent le premier élément visuel du film qu'on découvre. Lorsqu'à l'âge de cinq-six ans je me baladais avec mes parents à la recherche d'une VHS à louer dans les rayons horreur de ma vidéothèque à Modène en Italie, j'ai découvert Jaws, Lo Squalo en Italien. J'avais été choqué par la taille du requin et de sa mâchoire remplie de lames tranchantes distribuées sur plusieurs rangées. Je voulais voir ce film ! À la différence de la couverture monochromatique du livre qui accentue le contraste des proportions, l'affiche du film se base aussi sur le contraste des couleurs. En opposition au rouge du titre, le bleu, habituellement associé au calme, à l'apaisement, est aussi la couleur du requin et devient donc le symbole de la mort venant des abysses. Dans une époque où on ne pouvait pas compter sur les effets numériques, Spielberg avait compris que «less is more», que le moins on montre le requin le plus il sera menaçant. Le fait qu'il soit au centre de l'affiche, fait presque oublier que le monstre n'apparaît en totalité à l'écran qu'à 40 minutes de la fin du film. Que serait donc ce film sans son poster ? Un très bon exemple de blockbuster fait avec une grande économie de moyens, certes, mais moins vendeur. Jouant sur la peur de l'inconnu et le désir de découvrir le requin, Jaws est devenu le premier blockbuster d'été et le plus gros succès commercial de son époque. Même si « Lo Squalo » ne me terrifie plus comme quand je l'ai vu en cachette à la télé une nuit d'été, cette affiche reste pour moi un des symboles de l'effroi. De la peur ancestrale d'être dévoré par un monstre. Qu'est ce qui est plus monstrueux que la nature elle-même ?"



Le designer : Roger Kastel

Roger Kastel © rogerkastel.com

Connu également pour sa version romantico-ténébreuse de l'Empire contre-attaque en 1980, Roger vient de New York où il travaille d'abord comme illustrateur dans la pub, les studios mais aussi les grandes maisons d'éditions. Il décroche la timbale en réalisant la couverture du roman de Peter Benchley en 1974. Le dessin parvient jusqu'aux studios Universal qui rachètent les droits et l'utilisent pour le film de Spielberg. Mais le plus grand mystère demeure : où se trouve aujourd'hui le poster original dessiné par Kastle ? Après avoir été exposé à la Society of Illustrators à New York en 1975, il a été envoyé à Los Angeles pour la promotion du film. Il n'a jamais été retrouvé. Kastle affirme qu'il a été volé et qu'il aurait beaucoup de valeur aujourd'hui. C'est une des images les plus emblématiques de l'histoire du cinéma.